mardi 18 mars 2008

Les états d’âme du père, chapitre quatre

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Francisco Goya, Le Sommeil de la raison produit des monstres (Caprice 43, 1797-98)

Des fois, j’ai juste le goût de tout crisser là. Quand mes blues passent pu dans porte, quand je suis au bord des larmes devant la montagne de choses qu’il me reste à faire avant même d’avoir mis le pied dans la maison...

Ce soir, la pile d’assiettes à laver sur le comptoir avait la forme et la hauteur de la Coupe Stanley, et dégageait une odeur peu avenante. Même si les Canadiens ont perdu, ça sentait la coupe. Mais bon, une heure et un mal de tête plus tard, ma cuisine est de nouveau nickel. Jusqu’à demain soir. Mais si j’arrive à une heure raisonnable (j’ai du temps à reprendre à force d’aller à l’hosto pour le suivi médical de maman), j’aurai encore la cuisine, la vaisselle, le lavage... Et je manque de sommeil. Quand les saignements reprennent au milieu de la nuit et que je dois me garrocher au dépanneur pour aller chercher des serviettes (ça ressemble au second hématome qui s’en va, c’est déjà en train de se  résorber...), le reste de la nuit est court et agité. 

Il n’y a pas si longtemps, en racontant mon train de vie, j’ai eu droit à une réponse un peu ordinaire. «Bienvenue dans la vraie vie!» qu’on m’a dit. Heille, fuck you. Comme si avant, je n’étais qu’un flanc mou. Comme s’il fallait que je passe près de perdre mon enfant (et peut-être la mère) pour que je puisse réclamer le droit de «vivre». 

Dans ce cas, je me réserve le droit de chiâler haut et fort que j’ai besoin d’un break. Mon fantasme, présentement : ça commence par une brosse, une vraie bonne, rien en bas d’une bouteille complète de Southern Comfort à vider, avec de la musique forte et de la grosse décadence crasse. Finir ben chaud, un petit peu stone, au bout de mes énergies et de mon stress. Puis, le lendemain, me réveiller dans un spa, loin de tout, des corvées et des inquiétudes, pour un gros deux jours. Juste penser à moi, avec absolument rien à faire sauf respirer... Pour vous dire, entre le combo brosse / spa ou une nuit torride avec Scarlett Johanssen, je choisirais le combo.

Mais ne vous méprenez pas : j’ai juré de m’occuper de maman et d’être son chevalier servant. Ça, je ne le regrette vraiment pas. Ça m’amène même une certaine fierté devant tant d’accomplissements. Mais là, je crois que j’ai juste besoin de sommeil, d’encouragements et d’un peu de repos... et d’un réparateur de lave-vaisselle, aussi. Ça me donnerait un sacré coup de main.

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